Coincés dans la grande dépression des plateformes

La couverture du livre de Geert Lovink, Stuck on the platform.

Geert Lovink (blog) est l’un des penseurs du numérique en Europe qui compte. D’abord parce qu’il est assez radical, tout en restant un excellent passeur, un grand collisionneur d’idées, un accélérateur. Voilà plusieurs ouvrages que le théoricien des médias consacre à interroger les limites des transformations numériques. Son précédent livre, Sad by Design : on platform nihilism (Pluto Press, 2019, non traduit qui s’intéressait à comment les plateformes produisent des émotions surtout négatives) comme ceux d’avant, ne cessent d’interroger nos conditions de vies dans le numérique. Stuck on the Platform, reclaiming the Internet (Valiz, 2022, non traduit) poursuit cette descente dans les transformations récentes qu’internet a produites dans nos vies. Nous voici désormais “coincés dans les plateformes”, piégés dans l’internet, errant dans les bas-fonds du numérique, condamnés à scroller sans fins nos réseaux sociaux dans l’espoir d’une respiration qui ne viendra plus, explique le théoricien des média et fondateur de l’Institut des cultures en réseau. Collés à nos écrans. la solitude a reçu une nouvelle mise à jour. Nous voici capturés dans des flux irrésistibles qui nous épuisent sans vraiment nous culpabiliser. Nous sommes distraits par un carrousel sans fin de sollicitations, comme nous sommes distraits par un carrousel sans fin d’innovations qui nous semblent toutes plus vaines les unes que les autres. Derrière la promesse de nos modifications comportementales, nous éprouvons plutôt 50 nuances de stagnation. Nous sommes bien plus – et à la fois – “en crise et en stase”, que transformés, sans leviers disponibles pour mettre fin au monde techno-social qui nous a capturés, explique Lovink, avec des punchlines qui s’enchaînent sans fin, comme dans un combat de boxe. Les critiques, la discussion, le débat lui-même, semblent être considérés comme des catégories du passé. Même la littérature critique peine à démanteler le système, notamment parce qu’elle échoue à fournir des alternatives au monopole que produit le capital risque. Pour Lovink, pour nous extraire du mortifère réalisme capitaliste qui a tout envahi, nous devons élargir/embrasser le malaise technologique, plus que chercher à le combattre. Pour lui, nous ne confinerons plus le digital. Le Screen new deal l’a emporté. Le philosophe Bernard Stiegler pensait que la connaissance nécessaire pour lutter contre les conséquences des développements techniques contemporains avait été perdue. Lovink, lui, pense qu’il nous faut succomber à notre désespoir. 

En crise et en stase, dans la grande stagnation des réseaux sociaux

Dans son livre, Lovink égraine les expériences désastreuses que nous avons désormais avec l’internet. De l’analyse de l’anatomie de la Zoom fatigue (j’en avais parlé longuement dans Coincés dans Zoom), à l’impuissance des cryptos, en passant par la disparition du réseau dans les plateformes… l’effondrement du pouvoir centralisé prophétisé par les pionniers de l’internet ne s’est jamais matérialisé. La distribution du pouvoir dans les réseaux n’est jamais advenue, comme le disait très bien Ben Tarnoff en en analysant les raisons… Au contraire, dans la fluidité des données et des calculs, le pouvoir s’est épanoui, jusqu’à nous emmerder totalement, comme dirait Cory Doctorow, puisque les réseaux traitent la liste des personnes auxquelles nous sommes abonnés comme des suggestions et non comme des commandes, et nous renvoient sans cesse vers des personnes (et surtout de la pub) dont nous ne voulons pas. Pour Lovink, ce qui a tué les réseaux n’est pas leur caractère ouvert, mais bien l’absence d’agence collective. “Ces endroits si remplis ne nous ont jamais fait nous sentir aussi vides”. Plus les réseaux sociaux se sont remplis, plus les contenus se sont poubellisés. A l’injonction à la connexion permanente a répondu les cures de désintoxication et la méditation. L’injonction à agir s’est transformée en “injonction à nous mettre à jour”. Nous sommes enfermés dans des réseaux sans causes, sans buts, autres que notre instrumentalisation…

Certes, comme Tarnoff, Lovink peut en appeler à la décentralisation, à la fédération, à l’auto-organisation, plus qu’à l’automatisation ou à la seule information. En 2018, il plaidait déjà pour un renforcement des réseaux organisés (dans un livre co-écrit avec Ned Rossiter, Organization after Social Media, Minor Compositions, 2018, non traduit), plus petits, plus dédiés… comme le propose également Ethan Zuckerman. Fuir les hordes automatisées semble notre seul recours. Nous sommes coincés dans une “Grande stagnation”, une fatigue qui ne nous mène nulle part, qui ne peut être transformée en rien. Au contraire même, elle est désormais exploitée par les machines. Netflix exploite parfaitement notre fatigue décisionnelle au profit de ses produits ennuyeux. C’est la distraction permanente qui produit de la fatigue, et cette fatigue, qui ne peut pas être soignée, doit être “endurée”, sans perspective de pouvoir nous en extraire, autrement que par le retrait, le repli, la désertion des réseaux. 

Nous perdons confiance jusque dans la façon d’être ensemble. La montée de l’individualité a coïncidé avec le déclin du pouvoir organisationnel à pouvoir créer du changement. Nous sommes comme coincé dans un Truman Show sans fin, un désenchantement. Notre déficit d’intimité et d’affection est remplacé par l’ASMR.

Peut-on imaginer des alternatives aux “hordes automatisées” et aux “foules artificielles” ? Comment s’échapper de la misère que nous promettent nos destins individualisés ? Le problème, c’est que les politiques réactionnaires fleurissent quand il est difficile d’imaginer de meilleurs futurs ou des futurs collectifs. “Notre tristesse ne sera pas surmontée par la colère.” “Une structure algorithmique autoritaire ne peut pas être remise en cause en intériorisant l’impulsion algorithmique autoritaire”. Nous n’avons pas d’échappatoire, répète Lovink. Nous sommes coincés dans les plateformes, dans une régression en réseau ! 

Nous sommes biens plus l’outil des réseaux sociaux qu’ils ne sont nos outils

La plateforme est devenue un méta concept qui a remplacé le réseau. Un objet de désir, un état d’esprit. Tout le monde veut construire sa plateforme, comme si chacun pouvait construire sa société. Elles sont les lieux où toutes les promesses se réalisent. Pourtant, comme le dit très justement Venkatesh Rao, elles produisent d’abord un “Premium médiocre”. Elles nous invitent à payer pour un service qui nous dit constamment qu’un jour, c’est nous qui seront rémunérés, sans que nous ne le soyons jamais, hormis pour quelques influenceurs qui servent de carottes aux foules qui y aspirent. Les plateformes sont conçues pour nous pousser à réagir plutôt qu’agir. Nous sommes bien plus l’outil que Facebook utilise que nous n’utilisons Facebook ! Dans les plateformes, nous sommes coincés et stagnants. L’artiste Ben Grosser parle de réalisme de plateforme, à la suite du réalisme capitaliste de Mark Fisher. C’est-à-dire l’idée qu’il n’y a pas d’alternative au capitalisme comme aux plateformes et que nous sommes incapables désormais d’envisager de monde sans eux. Utilisateurs comme travailleurs des plateformes, entreprécaires comme prolétaires, sont coincés dans un pseudo-travail qui n’est ni productif ni satisfaisant. La multitude apprivoisée par les plateformes n’est qu’une “platitude”

Lovink en appelle donc à quitter les plateformes, à en revenir aux réseaux organisés. A ce que nous devons faire ensemble. Les plateformes ne sont qu’une compensation technique à la perte du sociale et à la destruction de l’individu, dans lesquelles nous sommes apprivoisés, incapables d’agir, dépossédés de notre volonté à force d’être nudgés. “La promesse de la numérisation est l’optimisation de tous les systèmes – et d’abord et avant tout, le cerveau humain”. C’est ce que dit Achille Mbembe : les mécanismes de calcul visent d’abord à convertir toutes substances en quantité puis à convertir les fins vitales en signification mécaniques. Tout doit être artificialisé et automatisé. Tout doit être transformé en chiffre et en abstraction. Dans les sociétés du risque, ces plateformes nous étudient comme des rats, à l’image des tests A/B. Elles cherchent à produire des addictions et y parviennent, non pas que Netflix soit addictif, mais parce que nos existences ne le sont pas. La stase de notre plateformisation produit de l’indifférence, du cynisme, du déni, de l’ennui, de l’incrédulité… Une “dépression de masse” qui provoque de la colère, de la peur et du ressentiment. Notre saturation ne peut pas être résolue par une diète régulière, c’est-à-dire par notre déconnexion. “L’orientation intérieure d’un moi qui se rapporte constamment à lui-même ne conduit pas à une introspection solitaire, mais à une dépendance toujours plus grande à l’égard des autres en ligne, garantissant une conformité comportementale externe”. 

Pour Lovink, c’est un peu comme si cette sur-socialisation nous avait conduit à nous perdre nous-mêmes. C’est le soi que produit la plateforme qui devient le problème, explique-t-il dans un chapitre consacré à la cancel culture où il propose de supprimer nos profils plutôt que d’effacer ceux des autres. Nos sociétés ont toujours rejeté certains individus et groupes. Mais bloquer un profil ne le fait pas disparaître. C’est une forme de protestation sans conséquence. Pourtant, rappelle Lovink, quand les gens sont isolés, il est plus facile de les contrôler et les manipuler pour qu’ils se tournent les uns contre les autres ou qu’ils s’ignorent. Le système nous utilise contre nous. “L’internet est un vaste collisionneur d’opinions, avec des milliards de particules d’idéologie hautement chargées et en circulation. Dans ce contexte, un message peut potentiellement nous annuler tous, en répandant un climat de paranoïa et d’incertitude. Personne n’est irremplaçable. Tout le monde est jetable. Tout le monde peut être sacrifié en un instant. La culpabilité ou l’innocence n’ont pas d’importance. C’est ce qui arrive lorsque la communauté et les contextes communs se sont effondrés.”

Notre besoin de diversité est impossible à rassasier

Après un chapitre pour descendre les NFT, qui sont une plateforme comme les autres et un dernier pour s’en prendre au Stack de Benjamin Bratton (rappelant que si l’architecture est politique, elle ne devrait pas pour autant être un substitut à la politique, et que décomposer les réseaux en différentes couches, comme le fait Bratton dans son livre, permet surtout d’isoler chacun à son niveau… bref, que l’infrastructure ne signifie pas la société, oubliant dans ses schémas le rôle des acteurs), Lovink conclut son essai par quelques perspectives plus positives, moins déprimantes. Comment développer des systèmes qui nous prodiguent de nouvelles capacités pour agir ensemble, qui nous permettent de redistribuer la richesse plus que l’accaparer au profit de quelques-uns ? Nous devons créer des alternatives “contraignantes”.

Pour Lovink, l’enjeu est d’agir ensemble. “Le point de départ pour concevoir le nouveau techno-social devrait être le groupe plutôt que l’utilisateur individuel, le social plus que l’individu”. Les outils devraient être temporaires et orientés vers des objectifs, axés sur ce qui a besoin d’être fait, plutôt que d’être partagés pour être partagés. Lovink cherche à déplateformiser le paradigme plateformiste. Demander aux entreprises de ne pas collecter de données (est nécessaire) mais naïf. La régulation ne sera pas suffisante. Le fait que la Big Tech conduise la transformation numérique du secteur public n’augure rien de bon pour leur régulation, rappelait Mariana Mazzucato. “Ceux qui régulent Google utilisent les produits de Google”, ironise Lovink. Nous devons dépasser les thérapies de la déconnexion. Nous n’avons pas seulement besoin de moins d’internet (au risque que ce soit aussi de moins de théorie et de moins d’ambition, de moins d’idées…), mais d’un autre internet. L’enjeu n’est pas de saboter l’internet, mais de “saboter son inévitabilité”, de travailler à des politiques du refus, parce que les mêmes outils qui servent le capital et la police ne peuvent pas également transformer les écoles, les hôpitaux, les villes ou l’écologie.

Pourtant, organiser notre exode des médias sociaux (en espérant que ce ne soit pas pour des discussions avec des chatbots) n’est pas si simple, rappelle Lovink. Face à la contestation (bien timide), le risque est de voir une renaissance de plateformes qui ne soient plus centrées sur des profils, mais conduites par affinités, ce qui ne serait pas nécessairement un mieux, comme l’ont montré les réseaux sociaux d’extrême droite. En fait, les scandales à répétition ont surtout montré que les dommages que les plateformes pouvaient faire étaient sans conséquences politiques pour elles. Nous avons déjà, par le passé, vidé nombre de plateformes, comme LiveJournal, Tumblr, GeoCities… Nous devons nous souvenir de comment déserter. Nous devons trouver les moyens de faire vivre les alternatives, explique-t-il. Mais plus que de moyens, Lovink évoque plutôt des valeurs. Avec Ben Grosser, il propose 4 valeurs pour nous réapproprier la technologie : 

  • Ralentir : nous avons besoin de plateformes qui contestent l’idée que la vitesse et l’efficacité serait toujours désirable et productive.
  • Moins : nous devons fonder des plateformes qui ne passent pas à l’échelle, qui ne veulent pas faire plus, mais moins.
  • Publiques : les plateformes pour des milliards d’utilisateurs ne devraient pas être conduites par le profit et contrôlées par des individus. 
  • Leurres : pour produire une culture du refus des plateformes, nous avons besoin de projets qui s’y infiltrent et qui aident les utilisateurs à les quitter. Pour passer à autre chose, il faut qu’il y ait autre chose et qu’on puisse s’y rendre facilement. 

Comme le proposait Zuckerman, Lovink estime que “nous avons besoin d’une multitude plateformes avec différentes valeurs”. Notamment des valeurs coopératives qui améliorent le contrôle démocratique, qui aident à décentraliser la gouvernance et qui ne soient pas orientées par le profit. Nous avons besoin de réseaux organisés qui puissent développer des alternatives non alignées, au-delà de Pékin ou de la Silicon Valley, clame-t-il en faisant référence à la conférence de Bandung de non alignement des pays décolonisés. A l’heure de la désillusion, il nous faut une conception antagoniste. Nous devons travailler le refus et les alternatives, les nourrissant l’une l’autre pour préparer notre exode. Ce qui est arrivé à MySpace arrivera à Facebook et Google, prophétise Lovink – sauf que les capitalisations des seconds n’ont désormais plus rien à voir avec le niveau de capitalisation des premiers, oubliant peut-être un peu vite la question du définancement. Et Lovink de conclure en nous invitant à rejoindre les mouvements et projets indépendants qui existent, d’Indymedia à Global Voices. A se mobiliser pour briser les monopoles des plateformes, les renverser, les démanteler. A préparer la construction d’une infrastructure publique de l’internet. A révoquer les grandes entreprises des instances de gouvernances comme des marchés publics. A rendre les serveurs aux peuples en les nationalisant… Bref, de “créer un avenir cosmotechnique qui soit capable de saboter la destinée planétaire” vers laquelle nous allons, si nous ne faisons rien. 

Pour nous extraire des plateformes, nous n’avons pas d’autres options que de réclamer l’internet à nouveau.

La force de Lovink reste qu’il donne l’impression d’avoir lu tout internet et de pointer toujours vers des arguments stimulants. Ce n’est pas une petite qualité. A un moment où tout semble confus, Lovink, avec ses saillies brillantes, revigore toujours. Reste que réclamer ne suffira probablement pas à être entendu, nous devons faire autrement. 

*

La critique de Lovink m’a fait penser à celle du philosophe Paul Preciado. Au début de Dysphoria Mundi, celui-ci nous rappelle combien nous sommes cernés par une épistémologie binaire. La dysphorie de genre dont il est catégorisé n’est rien d’autre que la marque du refus d’un programme politique binaire auquel nous devons consentir. Sa dysphorie de genre n’est pas une maladie mentale, mais une inadéquation politique et esthétique. C’est une résistance à ne pas être subalternisés, objectivés. La dysphorie désigne un problème de charge, une difficulté de résistance, un trouble de l’humeur… La dysphorie c’est à la fois la pathologie que le monde désigne comme telle, mais qu’il produit par son emprise. Les déviants ne sont plus hystériques ou schizophrènes, à l’ère du “néolibéralisme cybernétique et pharmacopornographique”, ils sont dysphoriques. La dysphorie désormais recouvre tous les troubles, c’est un concept “élastique et mutant qui imprègne toutes les autres symptomatologies”. La dysphorie désigne tous ceux qui ne s’adaptent pas aux changements du monde. Pour Preciado, cette inadéquation, cette dissidence, cette désidentification est une force. Si “notre condition de précarité et d’expropriation, d’emprisonnement et d’exil, d’assujettissement et d’impuissance s’est généralisée, nous ne sommes pas de simples témoins du changement du monde”. “Nous sommes les corps à travers lesquels la mutation arrive et s’installe”. Le capitalisme et ses fictions (nations, identité… autant de fantasmes symboliques qui cherchent à créer des cohésions sociales) sont un irréalisme dans lequel de plus en plus de monde ne se retrouve plus (alors qu’ils sont plus affirmés par quelques-uns que jamais !). Confronté au mode d’organisation “pétro-sexo-racial” du monde, nous sommes classés en catégories binaires, comme les profils du monde numérique nous classent eux-mêmes en catégories binaires. Comme pour Preciado, pour Lovink, pour nous extraire de l’épistémologie simpliste que le monde nous assigne, qui nous cerne et nous pousse à la dépression de masse qu’engendrent le temps des plateformes, il faut sortir du cadre en masse. S’opposer, déserter, faire exode… faire le pas de côté nécessaire pour regarder le monde autrement. Mais là où Preciado peut le faire jusque dans son corps et par son corps, nous autres, assignés aux écrans, nous sommes comme dépossédés de cet outil de lutte. Il nous faut nous en trouver un autre. Et c’est peut-être ce qui explique notre errance dans le désespoir des réseaux. 

Hubert Guillaud

A propos du livre de Geert Lovink, Stuck on the Platform, reclaiming the Internet, Valiz, 2022, 240 pages, non traduit. Et donc de celui de Paul Preciado, Dysphoria Mundi, Grasset, 2023, 592 pages.

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One thought on “Coincés dans la grande dépression des plateformes

  1. Merci pour cette brillante analyse !

    « L’enjeu n’est pas de saboter l’internet, mais de “saboter son inévitabilité”, de travailler à des politiques du refus, parce que les mêmes outils qui servent le capital et la police ne peuvent pas également transformer les écoles, les hôpitaux, les villes ou l’écologie. ». Quel beau message.

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