La question du recours aux prestataires privés dans l’action publique est une question qui a émergé tout le long du cycle que le Mouton numérique a consacré au sujet de la dématérialisation, rappellent Maud et Yaël du Mouton numérique. La numérisation de l’action sociale est une politique qui ne dit pas son nom et qui produit d’abord la dégradation du travail social et la limitation de l’accès aux droits. Que ce soit face aux restrictions qu’engendre la dématérialisation, comme le rappelait la première rencontre sur l’impossibilité de prendre rendez-vous en préfecture, ou face au report du travail social sur les associations, comme le rappelait la seconde rencontre, la privatisation est toujours l’aspect masqué, mais bien concret, de ces transformations. Le recours aux cabinets de conseil a été décrite comme “tentaculaire” par l’enquête sénatoriale de 2022. A la Caisse nationale d’allocation familiale la question des développements informatiques, c’est rien de moins que 477 millions d’euros de marchés, sans parler de nombreux autres contrats, notamment de maintenance et mise à jour des systèmes. L’impression d’ensemble est que s’il n’y a pas d’argent pour l’accompagnement social, il y en a pour les développements logiciels. Peut-on commencer par dresser un état des lieux du recours aux prestataires privés ?

La Consultocratie omniprésente
Le marché de l’externalisation ou de la sous-traitance, on l’estime à 160 milliards d’euros, soit un quart du budget de l’Etat, explique Lucie Castets, co-porte parole et cofondatrice du collectif Nos services publics (@nosservicespub), un collectif né en avril 2021, pour parler, de l’intérieur, des choix politiques, des fonctionnements et dysfonctionnements des services publics, et qui a notamment publié une note sur la question. Ce chiffre de 160 milliards prend en compte jusqu’aux délégations de service public, comme c’est le cas de l’eau. Il vise à montrer l’étendue de cette imbrication. Le recours aux cabinets de conseil, lui, est plus limité bien sûr. C’est un marché qui a longtemps été limité et qui a explosé depuis 2018. Le rapport sénatorial sur la question estime que ce recours se monte à 900 millions d’euros en 2021, alors qu’il n’était que de 380 millions en 2018. Ministère, Etats et opérateurs de l’Etat dépensent un milliard d’euros chaque année en cabinet de conseils.
Dans cet ensemble, ce que l’on rattache aux dépenses informatiques est énorme. Il faut encore distinguer les dépenses de conseils stratégiques des dépenses en stratégie des systèmes informatiques, qui ont respectivement été multipliés par 3 et par 6 depuis 2018 [Voir les chiffres et tableaux du rapport du Sénat. Le tout récent rapport de l’Inspection générale des finances sur le sujet, évalue les prestations de conseil à 2,5 milliards d’euros en 2021, contre 764 millions en 2015, très loin des 140 millions d’euros de dépenses annuelles annoncées par l’ex-ministre de la Transformation et de la Fonction publique, Amélie de Montchalin, en janvier 2022 et plus que les évaluations du rapport sénatorial qui parlait de plus d’un milliard. Le rapport estime que les dépenses en prestation de conseil informatique et maintenance, représentent 675 millions d’euros en 2021, quand celles du recours à des agences de communication et en conseil stratégique plafonnent respectivement à 112 et 128 millions – Politico, Nouvel Obs].
Mais il faut comprendre pourquoi on en est là, explique Lucie Castets. Le recours au privé repose sur 3 raisons structurelles. Une raison “juridico-institutionnelle”, liée aux réformes de l’Etat qui ont cherché à réduire la taille et les missions de l’Etat par des mesures juridiques de finances publiques pour contraindre et limiter la dépense publique ainsi que la rémunération des fonctionnaires. La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) de 2001, l’établissement du plafond d’emploi en équivalent temps plein ou encore la fongibilité asymétrique des crédits – qui permet d’utiliser le budget de personnel vers d’autres dépenses, mais interdit l’inverse -, le non remplacement de fonctionnaires voire les suppressions de postes ont fait peser des contraintes strictes sur les dépenses et l’embauche dans les services publics. Ceux-ci n’ont pas d’autres choix que d’avoir recours à des prestataires extérieurs, puisqu’ils ne peuvent pas embaucher. Qu’importe si les cabinets de conseil sont plus chers que les fonctionnaires ! Une seconde raison est d’ordre plus culturelle. Elle repose sur l’idée, diffusée par le New Public Management (qui consiste à appliquer les méthodes du management du privé dans le secteur public), que l’acteur privé ferait toujours mieux que l’acteur public. C’est inexact bien sûr, notamment parce que les prestataires privés ne connaissent pas le secteur public et ses contraintes. C’est pourtant une idée d’autant plus répandue qu’elle se double d’une fascination pour le numérique, l’intelligence artificielle et les Gafams… La numérisation s’explique aussi par cette fascination qui interroge très peu les choix techniques et politiques, entre autres parce que l’administration manque de compétences pour les piloter. Enfin, il y a un prisme technique fort. Quand on décline techniquement un projet, on pense encore que ce n’est pas un problème politique ou administratif. Chez Nos services publics, on recueille beaucoup de témoignages de gens qui ont du mal à piloter les transformations techniques actuelles.
Vers l’Etat-plateforme (mais la plateforme de qui ?)
“L’informatisation des services administratifs est la porte d’entrée historique des cabinets de conseils dans les affaires publiques et reste aujourd’hui la plus grosse part de dépense liée au consulting”, lit-on dans Consultocratie (FYP éditions, 2022). Adrien Saint-Fargeau, l’un des co-auteur du livre, le rappelle plus en détail. C’est au lancement de la Révision générale des politiques publiques (RGPP, 2007) qu’on fait entrer les acteurs du conseil américain dans les questions publiques. Jusqu’à cette date, ils n’étaient pas très intéressés car ils jugeaient que les budgets n’étaient pas suffisants. Les politiques en faveur de la numérisation de l’État sont plus anciennes, notamment avec le lancement du portail Service Public dans les années 2000, qui ancrent l’idée de nouveaux modes d’accès. On débloque néanmoins des budgets pour l’administration électronique visant à rendre toutes démarches accessibles par internet. La numérisation s’accélère encore avec le plan France numérique 2012, lancé dès 2008, qui vise à permettre le paiement en ligne. A la même époque s’initie le modèle de l’Etat plateforme et le lancement de l’Open Data, l’ouverture des données publiques, qui visent à changer la manière d’agir de l’Etat, par la modernisation et la simplification des démarches. En 2012, la Modernisation de l’action publique (MAP) prolonge ces nouvelles manières d’agir et renforce la transformation de l’Etat plateforme via des administrations dédiées, comme le Secrétariat Général pour la Modernisation de l’action Publique (SGMAP) et le lancement de France Connect, le service d’identification et d’authenfication des administrés inter-administration. “Ici, le modèle est clair, on a cherché à copier les boutons de Facebook” qui permettaient de s’identifier sur nombre d’autres sites, rappelle Adrien Saint-Fardeau. C’est l’époque où l’on met en place des dispositifs comme celui des startups d’État pour rattraper ce qu’il se passe dans les grandes plateformes… Pour Adrien Saint-Fargeau, derrière la simplification, il faut lire un changement de l’action de l’Etat, qui se voit comme un concurrent d’autres acteurs du numérique.
Pour Gilles Jeannot, co-auteur de La privatisation numérique (Raisons d’Agir, 2022 – dont j’avais rendu compte), l’idée d’Etat plateforme revient à l’éditeur libertaire Tim O’Reilly, qui après avoir inventé le terme Web 2.0, a proposé celui (moins populaire) de web2, puis de gouvernement 2.0 (2009), qui donnera lieu à un livre sur le gouvernement ouvert (2010) puis au concept d’Etat plateforme (2011). Pour O’Reilly, derrière l’Etat plateforme, il y a un enjeu économique pour l’Etat. Son rêve est celui d’acteurs privés qui viendraient offrir des services publics depuis les données partagées, explique Gilles Jeannot. Ce rêve est repris avec enthousiasme par Henri Verdier et Nicolas Colin dans leur livre, L’âge de la multitude (2012), avant que Henri Verdier ne prenne la direction d’Etalab. L’idée que le privé pourrait offrir des services équivalents aux services publics était moteur. C’est l’idée qu’on retrouve aujourd’hui dans le capitalisme de plateforme, à l’image de l’intermédiation d’acteurs comme Airbnb qui vient proposer un service qui ne coûte rien, qui génère beaucoup de plus-value, tout en verrouillant le marché. Et effectivement, nombres d’acteurs sont venu bouleverser le marché. Reste que les cas de privatisation sont restés rares. Il n’y a que la SNCF qui a vendu ses cars à BlablablaCar. Les services privés sont plutôt venus concurrencer des services publics à la marge, dans l’information voyageur par exemple, avec CityMapper face à la RATP, Waze face aux politiques de déplacement, où les offreurs de trottinettes venant concurrencer l’accaparement de l’espace public. La Poste, pour lutter contre l’ubérisation des services à domicile a réinternalisé une société ubérisée, Stuart. En fait, il y a surtout eu “des interférences entre les acteurs”, comme quand Airbnb assèche le marché locatif. Le projet initial de l’Etat plateforme imaginait que l’Etat resterait au centre du dispositif et pourrait superviser gentiment des acteurs bienveillants. Le décentrement de l’Etat a été plus fort qu’attendu, constate Jeannot.
Dans ses travaux, la chercheuse Marie Alauzen insiste sur le rôle des références anti-étatiques, par exemple dans la référence à la multitude de Negri et Hardt du livre de Colin et Verdier, explique Simon Woillet, co-auteur de Consultocratie (et qui avait livré une riche interview de Marie Alauzen sur ce sujet, pour Le Vent se lève). Il rappelle d’ailleurs que la femme d’Oreilly, Jennifer Pahlka, était la cofondatrice de Code for America, une association de codeurs pour améliorer les services publics. L’un des projets emblématique de Code for America a été la refonte de l’application du programme des bons alimentaires de Californie [le programme des bons alimentaires américains fournit une aide à plus de 46 millions d’Américains]. “L’Etat plateforme commence souvent par s’intéresser aux choses qui font le plus souffrir les populations précaires”, souligne Woillet. Pourtant, avec l’Etat plateforme, vient également une forme de guichétisation de l’Etat, auquel il se réduit. “De plus en plus, on pense l’Etat comme un robinet. Dans l’idée de Gouvernement 2.0, l’Etat est un guichet qui doit devenir vertueux et non plus défectueux”.
Pour Adrien Saint-Fargeau, c’est l’échec de la RGPP et l’Etat plateforme qui va conduire à faire appel aux cabinets de conseil… Les startups d’État, qui ne sont pas vraiment des start-up, montrent l’échec de cette politique. Pour Maud du Mouton numérique, cette question du guichet et de l’accès au droit réduit à un accès à l’information, s’oppose effectivement à un parcours de l’accès et de l’accompagnement social. On nous propose désormais des guichets, à l’image de Doctolib, plutôt qu’un parcours d’accès aux soins ou un accompagnement.
Les solutions publiques ne sont pas remplaçables
Lucie Castets rappelle quand même qu’au début, on a tous apprécié Doctolib qui permettait de prendre rendez-vous facilement. Le problème, c’est quand le gouvernement s’appuie sur Doctolib pour la campagne vaccinale, en contraignant tout le monde à prendre rendez-vous uniquement via la plateforme. Doctolib avait des informations sur le stock de vaccins que l’ARS n’avait pas. Le problème, c’est que Doctolib a centralisé les données et les stocks via une filiale d’Amazon aux US, les faisant dépendre de juridictions américaines. L’erreur est de croire que les solutions publiques sont remplaçables par des solutions privées, explique Lucie Castets. On s’est mis dans les mains d’acteurs privés, sans le penser, sans réfléchir à la question politique qu’il y a derrière, non seulement en terme de souveraineté ou de sécurité, mais également en terme de profit. Mais c’est délirant de laisser fournir des prestations de services publics sans même se poser la question en ces termes !, s’énerve-t-elle.
Tout à fait, abonde Simon Woillet (également co-auteur du Business de nos données médicales, FYP éditions 2021, dont on avait parlé par là). Nombre de logiques liées à la santé sont problématiques, par exemple les questions de nomenclature et de standardisation ouverte. Il faut rappeler pourtant que l’open source est une idée popularisée par le libertarien Eric Raymond dans un pamphlet un peu dingue, la Cathédrale et le bazar, et que l’open source, qui permet la réutilisation du code et des données est donc par nature très ouverte au capitalisme, rappelle-t-il. Les standards informatiques ont toujours été développés et soutenus par les entreprises privées, dans une logique d’intégration du privé dans la puissance américaine elle-même. La préfiguration du Health Data Hub qui gère nos données de santé, a été conceptualisée dans le rapport Villani [qui conçoit lui aussi, d’ailleurs, l’hôpital comme une plateforme, comme le remarquait avec mordant la Quadrature du Net] avec l’aide de Daniela Rus, une roboticienne du MIT spécialiste de questions de défense, avec qui il a signé un ouvrage sur la santé et l’IA. Les données de santé sont un enjeu de renseignement majeur pour nombre d’acteurs, et nous sommes bien naïf d’avoir pu un instant croire le contraire !, s’énerve à son tout Simon Woillet.
Pour Gilles Jeannot, les réformes administratives privilégient beaucoup une approche des publics par ce qu’on appelle les parcours, comme le “Dites le nous une fois”. Le problème de cette guichétisation, c’est le décalage avec la réalité. Il y a certes des gens qui ont une vie administrative très simple… mais on comprendra tout de suite que ça peut être plus compliqué pour un réfugié Afghan par exemple.
Quelles alternatives ?
La question est alors comment faire autrement, interroge l’animatrice. Qu’elles alternatives y-a-t’il à “la consultocratie” ?
Adrien Saint-Fargeau rappelle que la commission d’enquête sénatoriale a fait des propositions concrètes. Pour les mettre en oeuvre, cela suppose également de modifier les indicateurs de l’État, de revenir sur la LOLF, d’assurer un meilleur contrôle parlementaire des dépenses d’externalisation… Cela suppose tout de même de sortir de la logique du manque de moyen et de compétence. Or, quand on a recours aux cabinets, on perd d’abord des compétences.
Pour Lucie Castets, le gouvernement a annoncé qu’il allait réduire de 15% les prestations de conseil. Mais pourquoi 15% ou pas 30% ou 50% ? L’enjeu n’est pas tant de réduire ces recours, qui risquent de grever plus encore la qualité des services publics, car cette diminution annonce d’abord des moyens qui se détériorent encore. Pour Castets, il est nécessaire de changer les règles et les moyens sur le recrutement. Il faut que la puissance publique réinternalise les moyens, les fonctions d’exécutant pour qu’elle soit capable de construire des outils adaptés sans être attachée à des prestataires externes. Il faut sortir d’une logique délétère où aujourd’hui certains services ont des prestataires pour encadrer des prestataires ! Même la Cour des comptes, pourtant très conservatrice, le dit : le conseil coûte trop cher. On voit pourtant des initiatives au sein de l’Etat pour développer des outils publics libres… On a trop souvent le réflexe de se tourner par défaut vers le privé, avant même de regarder ailleurs, notamment dans d’autres services ou des solutions existent parfois.
Pour Gilles Jeannot, l’opposition binaire Etat/privé est peut-être dépassée. Et le sociologue d’inviter à regarder du côté des Communs et des partenariats publics communs… Ce mouvement, à la fois collectif et militant, est présent dans certaines villes pour produire des logiciels opérationnels, comme à Rennes ou Brest. On le trouve chez Open Fisca, où s’assemblent chercheurs, codeurs, fonctionnaires militants et administrations pour mettre les règles fiscales en code et tester l’effet des lois. On les trouve aussi autour de la Base adresse nationale, avec l’IGN, la Poste et Open Street Map. Il y a là des moyens complémentaires qui peuvent se rencontrer…
Maud du Mouton numérique, rappelle que c’est l’Etat qui développe le datamining, à l’image du contrôle à la CAF. Comment alors mettre en place des garanties ? Comment développer une informatique qui réponde à d’autres orientations politiques ?
Pour Simon Woillet, il faut sortir de ces logiques, à l’image de ce que fait InterHop en proposant des systèmes de santé déconcentrés, où les données restent au plus proche de là où elles sont produites, permettant de sortir des risques de centralisation des bases de données… Pour Lucie Castets, il faut distinguer deux questions politiques. Quelle politique veut-on mener ? A qui veut-on la confier ? La réponse à la seconde question ne se pose jamais en termes politiques, alors qu’il reste difficile de croire qu’on peut se passer de l’acteur public. De plus, nous avons besoin d’un contrôle parlementaire pour nous assurer que les outils ne deviennent pas incontrôlables.
Plus que des questions, le public a surtout partagé ses expériences et ses constats. Une personne souligne que le recours massif aux cabinets de conseils vise d’abord à détruire le statut de la fonction publique. Elle pointe également l’incompétence des directions générales devenues elles-mêmes contractuelles, ce qui entretient le recours à des solutions extérieures dans une boucle sans fin. Une autre personne dresse le même constat. Les entreprises privées récupèrent des données et solutions publiques pour générer du parasitisme. Quant aux compétences internes, elles sont en train de disparaître. Désormais, il y a des pilotes de projets externes aux administrations publiques qui ne vérifient que les procédures et les livrables, sans être capables d’apprécier ce qu’on leur livre. Dans les administrations, on a perdu des compétences, on ne sait même plus combien devrait coûter ce qu’on développe… avant de dénoncer le développement de grandes chaînes d’incompétences. “Dans certains endroits, quelques personnes la centralisent. Mais s’ils partent demain, tout s’écroule !”
Pour Lucie Castets, le statut de fonctionnaire est moderne, comme le soulignait Nos services publics dans une tribune. “Je ne sais pas si les gens sont incompétents. On a des gens qui font vite, qui sont peu critiques. On remet peu en question les postulats et les fondements politiques des actions”. Depuis la réforme de la fonction publique, les contractuels sont plus nombreux, mais il ne faut pas oublier qu’ils sont particulièrement mal traités. L’enjeu n’est peut-être pas tant de s’inquiéter de leur loyauté que d’internaliser la compétence, jusqu’aux fonctions stratégiques. Depuis la crise Covid, on voit qu’il manque partout des gens. Mais si tout le monde veut augmenter le nombre d’agents pour répondre aux difficultés, tout le monde pense encore qu’il faut réduire le nombre d’administrateurs, or ce sont eux qui sont en première ligne pour s’opposer au grignotage par le privé des grandes missions de l’Etat. Pour Adrien Saint-Fargeau, le new public management, symbole de l’incompétence, repose d’abord sur une critique nourrie de la bureaucratie qui reste extrêmement prégnante. Enfin, sortir de l’incompétence est difficile. Les services publics d’un côté sont rendus peu attractifs, mais de l’autre, l’Etat ne fait rien contre le pantouflage, alors qu’il y aurait là des leviers d’actions.
D’autres témoignages interrogent. A-t-on encore les moyens de faire quelque chose en informatique publique ? Face à tant d’échecs et de projets avortés, seule la mutualisation semble permettre de faire avancer les choses. Reste que le problème est peut-être plus humain que technique : on fait plus confiance aux gens de l’extérieur qu’à l’interne. Une autre personne se demande pourquoi on n’exige pas des cabinets de conseil de transmettre leurs compétences. Une dernière questionne : faut-il un ministère de l’informatique ?
Pour Adrien Saint-Fargeau, c’est tout de même un peu ce qu’a essayé de faire le SGMAP. Croire qu’on peut plaquer le modèle privé dans le secteur public est une erreur. On manque de formation à tous les niveaux pour avoir des compétences à plusieurs niveaux. A l’époque du nucléaire, les ingénieurs des grandes écoles faisaient leur engagement décennal dans les services de l’Etat. Ce n’est plus le cas. Celui-ci est totalement contourné désormais. Enfin, il est nécessaire de repenser les capacités de contrôle avant et après les prestations des cabinets de conseils, car bien souvent, elles sont minables sans que cela n’ait d’effet. Gilles Jeannot se montre moins critique envers la Dinum et le SGMAP. Il y avait bien une volonté de refaire de l’informatique, mais ce service est tout petit, et les rénovateurs qu’on y trouve ne sont pas dans les grosses administrations informatisées. Quand on regarde les projets informatiques publics classés par budgets, Etalab est tout en bas de la liste. Le rapport de force n’est pas possible, comme le pointait le rapport de la Cour des comptes sur les grands projets numériques de l’Etat.
Hubert Guillaud
Nos comptes-rendu des séances du cycle “Dématérialiser pour mieux régner” du Mouton Numérique :
- Dématérialisation et non recours, 25 octobre 2022.
- Ce que la dématérialisation fait au travail social, 24 novembre 2022.
- Le contrôle social automatisé dans la plus grande opacité, 19 janvier 2023.
- A quoi servent les luttes contre la numérisation, 2 février 2023.
- Dématérialisation, l’externalisation en question, 9 mars 2023
Bonus, Dans les machines à suspicion.
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